Beaucoup trop de femmes meurent encore en Afrique des suites de complications de fibromes utérins par ignorance ou par absence de soins appropriés. La rédaction de Prime Public Health – Magazine est allée à la rencontre de madame Angèle Mbarga une patiente experte qui revient sur la question.
PPH : Vous êtes une patiente experte et fondatrice de l’association Fibrome Info France ; pouvez-vous dire à nos lecteurs – trices ce qu’est un fibrome utérin ?
Également appelé myome ou fibromyome, le fibrome utérin est une tumeur non-cancéreuse constituée de cellules musculaires qui se développent à l’intérieur ou sur la paroi de l’utérus. Le fibrome utérin est la pathologie gynécologique la plus fréquente chez les femmes en âge de procréer.
PPH : En Afrique une grande désinformation existe autour des fibromes utérins. Une dame porteuse de fibromes utérins doit-elle craindre de voir sa fille en faire également ?
Parmi les facteurs identifiés à ce jour comme pouvant être responsables de la survenue ou du développement d’un fibrome utérin, l’hérédité et la génétique en font partie. Une fille dont la mère, la tante ou la grand-mère souffre ou a souffert de fibromes est potentiellement à risque. Il est de ce fait important que les femmes d’une même lignée soient sensibilisées au fibrome utérin de mères en filles en cas d’antécédents familiaux de la maladie.
PPH : Existe-t-il une catégorie de femmes plus touchées par les fibromes utérins ou alors des conditions qui en favorisent l’apparition ?
Toutes les femmes peuvent être confrontées aux fibromes. La prévalence est cependant très élevée chez les femmes d’ascendance africaine. Selon les statistiques, environ 60% de femmes originaires d’Afrique seraient touchées par cette affection gynécologique : soit 1 femme africaine sur 2. Cette catégorie de femmes a en outre la particularité de développer des fibromes à un âge plus jeune que la moyenne et être sujette à un taux de récidives très important.
PPH : Comment se manifestent généralement les fibromes utérins ?
Les symptômes et les complications des fibromes utérins varient d’une femme à l’autre en fonction notamment de la localisation, le nombre et la grosseur des fibromes. Le plus souvent, les fibromes se manifestent par des saignements hémorragiques, et ce pendant ou en dehors des menstruations ; s’en suit souvent une anémie plus ou moins sévère liée à une carence en fer. Les douleurs abdominales chroniques ou aiguës, les douleurs pendant les rapports sexuels, l’augmentation du volume de l’abdomen, les envies fréquentes d’uriner et les sensations de pesanteur abdominale font aussi partie des manifestations des fibromes utérins. Lorsqu’ils sont situés à l’intérieur de la cavité utérine, les fibromes utérins peuvent aussi entraîner des troubles de la fertilité ou des fausses couches souvent à répétitions.
PPH : Quels sont les examens les plus souvent prescrits à une femme qui a des fibromes utérins ?
L’échographie pelvienne est l’examen d’imagerie généralement prescrit pour le diagnostic des fibromes utérins. Cet examen peut être complété par une IRM en vue de l’obtention d’une cartographie plus précise de l’utérus. Des prises de sang sont également prescrites, notamment en cas de suspicion d’anémie.
PPH : Dans nos contrées, certaines femmes n’adhèrent pas à la prise en charge hospitalière qui leur est proposée. A quelles complications s’exposent-elles ?
L’évolution et les complications d’un fibrome sont variables d’une femme à l’autre. En présence de fibromes occasionnant des symptômes invalidants ou des difficultés à procréer, le traitement préconisé ou le mode opératoire envisagé est généralement fonction de la taille des fibromes et leur localisation. Lorsque des fibromes symptomatiques ne sont pas traités, les femmes peuvent être exposées à une aggravation de leurs symptômes et souvent aussi à une difficulté à recourir aux techniques opératoires les moins invasives, notamment le retrait des fibromes par les voix naturelles ou par coelioscopie. En 2020 l’ablation de l’utérus ne doit plus être proposée aux femmes qui souffrent de fibromes, comme unique option thérapeutique. Malheureusement c’est encore le cas dans plusieurs pays africains lorsque les patientes sont vues tardivement.
PPH : Les hémorragies semblent être les manifestations les plus craint, de quels moyens dispose-t-on aujourd’hui pour les prévenir ?
Les hémorragies sont inhérentes au fibrome utérin du fait de son hyper vascularisation, et ce aussi bien en ce qui concerne les symptômes induits par les fibromes, que les traitements chirurgicaux auxquels peuvent être soumises les femmes. En prévision d’une intervention chirurgicale, une cure de fer et/ou une mise en ménopause artificielle sont souvent préconisées par les équipes médicales afin de limiter les risques d’hémorragies. En amont de l’opération, des dispositions sont généralement prises par le médecin opérateur et son équipe, pour procéder à une transfusion sanguine en cas d’hémorragies.
PPH : Aujourd’hui les femmes porteuses de fibromes utérins symptomatiques ont du mal à mener une vie normale (sociale et professionnelle). En tant que patiente experte quels conseils pouvez-vous leur donner ?
Les symptômes des fibromes ont un impact sur tous les pans de la vie des femmes qui en souffrent. La vie sociale et la vie professionnelle sont impactées tout autant que la vie intime, la vie de couple et la vie de famille. Je dirais aux femmes confrontées aux fibromes de faire preuve d’imagination pour améliorer leur qualité de vie et de rester combatives pour aller jusqu’au bout de leurs rêves. Car comme pour toutes les maladies, le mental a son importance. Je conseillerai aussi aux femmes de ne pas hésiter à briser la loi du silence et les tabous qui entourent les fibromes, afin de sensibiliser les femmes et les hommes de leur entourage pour faire évoluer les mentalités et faire avancer la recherche.
PPH : Selon vous quels sont les grands axes sur lesquels des actions doivent être menées pour réduire la mortalité liée aux fibromes utérins en Afrique ?
La prévention par le biais de campagnes de sensibilisation est selon moi l’un des moyens pouvant permettre d’informer les femmes et le grand public en Afrique, pour prévenir les complications de cette affection. En Europe le pronostic vital des femmes qui souffrent de fibromes est très rarement engagé, l’amélioration de la prise en charge et la qualité de vie des femmes demeurent toutefois préoccupantes pour les patientes.
PPH : A qui une femme devrait-elle s’adresser si elle suspecte souffrir de fibromes utérins ?
En cas de suspicion de fibromes utérins, les femmes peuvent s’adresser à leur médecin traitant ou à leur gynécologue. Après confirmation du diagnostic le suivi et la prise en charge s’effectuent généralement par un(e) gynécologue.