PPH: Pouvez-vous vous présenter et dire à nos lecteurs. trices ce qu’est la Gériatrie ?
Je suis le Dr Louisa Mougué Ngadeu, Gériatre, spécialisé dans la maladie d’Alzheimer et apparentées. Médecin expert auprès de la cour d’appel de Paris. Médecin de l’Unité cognitivo Comportementale (service qui accueille uniquement des patients ayant une démence et des troubles du comportement productifs) et médecin d’EHPAD. J’assure également les consultations mémoires au Centre Hospitalier de Sens.
La gériatrie est la branche médicale de la gérontologie (celle-ci étudie le vieillissement et ses effets sur tous les plans : physique, psychologique, économique, sociale et philosophique). Elle prend en charge et traite les différentes maladies qui surviennent chez les personnes âgées.
PPH: Selon vous pourquoi cette spécialité médicale est encore si peu connue en Afrique ?
La gériatrie est une spécialité encore peu connue en Afrique de part :
- Car en Afrique la population est beaucoup plus jeune que dans les pays développés.
- Avec l’augmentation de l’Esperance de vie en Afrique, cette spécialité trouvera aisément sa place parmi les autres spécialités médicales.
PPH: Vous travaillez avec les personnes âgées au quotidien ; pouvez-vous nous dire quelles sont les affections qui touchent le plus ces dernières ?
- Les pathologies infectieuses (infections pulmonaires ; les infections urinaires…). Le risque infectieux est plus important chez les personnes âgées ;
- Accumulation des facteurs de risque/HTA, obésité, hysercholestéromie, diabète peuvent entrainer des pathologies vasculaires : accidents vasculaires cérébraux ;
- La malnutrition ;
- Les troubles de la marche et les chutes ;
- La baisse de l’audition, les troubles de la vue (cataracte, glaucome, DMLA) ;
- L’ostéoporose ;
- Insuffisances veineuses ;
- Les maladies neurologiques telle que la maladie de parkinson ;
- Les maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer ;
- Les cancers.
PPH: Est-il possible de prévenir ces affections pendant la jeunesse ?
Oui, il est possible de prévenir certaines maladies :
- Les insuffisances veineuses peuvent se prévenir : pour ceux qui ont des activités qui les obligent à passer plus de 8h debout chaque jour, il est important de porter les chaussettes de contention pendant sa jeunesse afin de favoriser le retour veineux et éviter ainsi une dilatation des veines.
- La prévention des pathologies cardiovasculaires prévient des AVC et des démences vasculaires.
- Il est important de faire attention à son poids et d’avoir une activité sportive adaptée.
- Une bonne hygiène de vie.
PPH: Aux vues de la situation de pandémie actuelle, pourquoi ce sont les personnes âgées qui sont les plus vulnérables ?
Les personnes vulnérables sont celles qui peuvent être blessées et/ou sont menacées dans leur autonomie, dans leur dignité ou dans leur intégrité, physique ou psychique » « La vulnérabilité peut résulter de l’âge, de la maladie, d’une infirmité, d’une déficience physique ou psychique. »
La pandémie actuelle, est une maladie infectieuse due à un virus « le corona virus » et comme toutes les maladies infectieuses elle a un impact négatif sur la vie des personnes âgées : celles-ci sont plus fragiles en raison d’une baisse du système immunitaire avec l’avancée en âge et des comorbidités plus nombreuses et à un stade plus évolué.
L’apparition d’une maladie aigue telle que la pandémie actuelle par COVID-19 peut entrainer une décompensation des pathologies chroniques sous-jacentes (insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire, le diabète …) Parmi les autres facteurs de risques : les personnes souffrant d’asthme, de bronchite chronique, de diabète, d’hypertension. Selon la dernière analyse chinoise la plus complète publiée le 17 février 2020 dans la revue médicale américaine Jama,le taux de mortalité atteignait 7,3 % chez les personnes diabétiques, 6 % chez celles ayant de l’hypertension, 5,6 % pour les malades d’un cancer et seulement à 0,9 % chez les personnes en bonne santé.
PPH: Comment protéger ces personnes âgées ?
Pour protéger nos personnes âgées il est important de les informer des mesures barrières mises en place par le gouvernement de chaque pays et les respecter également lorsqu’on est en leur présence.
- Se tenir à un mettre de distance pour leur parler ;
- Leur permettre d’avoir accès à l’eau pour se laver régulièrement les mains ;
- Porter les masques ;
- Les encourager à éviter les rassemblements (mariage, anniversaire, deuil, funérailles, tontine…) en ce cette période de pandémie ;
- Ne pas rendre visites aux personnes âgées lorsqu’on a des signes cliniques de COVID-19 ou lorsqu’on a été en contact avec un cas confirmé de COVID-19 pendant 14 jours.
PPH: En Afrique les personnes âgées vivent avec les jeunes contrairement à d’autres continents où des maisons de retraite existent : quel est votre commentaire ?
Les maisons de retraites sont des lieux de vie pour accueillir :
➜ Les personnes âgées en perte d’autonomie qui ont besoin d’aide au domicile pour réaliser les tâches utilitaires quotidiennes (e.g. gérer ses finances, utiliser son téléphone, conduire une automobile, faire des achats…) essentiellement gouvernées par des fonctions cognitives (jugement, langage, orientation, calcul, mémoire, planification).
➜ Mais aussi les personnes âgées qui ne peuvent plus rester seules à leur domicile car elles ont des difficultés à réaliser les actes de la vie quotidienne :
- Les transferts : Passer de chacune des positions couché/assis/debout.
- Les déplacements à l’intérieur : Pouvoir évoluer sur une surface plane sans aide.
- L’alimentation : Se nourrir et boire seul.
- La toilette : Laver l’ensemble du corps seul.
- L’habillage : S’habiller ou se dévêtir sans aide.
- La continence : Assurer l’hygiène de l’élimination.
Lorsque les aides mises en place sont insuffisantes pour permettre le maintien de la personne âgée au domicile et sans mise en danger, la personne âgée est alors orientée en maison de retraite afin de poursuivre la suite de sa vie.
Il est important de noter que les familles qui mettent leur parent en maison de retraite ne le font pas dans la joie. C’est très souvent à contre cœur et par obligation que la décision est prise.
En Afrique les personnes âgées vivent dans leur famille avec des jeunes qui les aident par plaisir. Ce sont des personnes qui les connaissent, qui connaissent leurs habitudes de vie. Leurs repères quotidiens ne sont pas perturbés, les habitudes alimentaires et culinaires sont maintenues.
Tous ces éléments de vie sont indispensables pour permettre aux personnes âgées de garder des repères le plus longtemps que possible et il est clairement prouvé que l’environnement est un facteur important pour la stabilisation de l’humeur des personnes âgées.
Ainsi il est mieux pour les personnes âgées de rester dans leur environnement habituel avec la présence de la famille comme aidant jusqu’à la fin de leur vie.
PPH: Quelles activités conseilleriez-vous aux personnes du 3e âge pour conserver leur santé mentale et physique ?
Les activités à conseiller aux personnes âgées pour conserver leur santé mentale sont encore appelées les traitements non médicamenteux.
Les activités doivent être adaptées à la personne âgée, à son environnement et aux activités manuelles qu’elle a eu à réaliser lorsqu’elle était en bonne santé mentale.
Toutes ces activités doivent être sous la surveillance d’un professionnel ou d’un aidant formé :
- Activité de tissage des nattes ;
- D’enfilage des perles ;
- De cueillette ;
- La lecture ;
- Activités manuelles habituelles ;
- Alimentation équilibré ;
- Activité physiques adaptées.
PPH: En Afrique, on en parle très peu : quelles pourraient être les conséquences d’un isolement de la personne âgée ?
L’isolement de la personne âgée entraine plusieurs conséquences :
- Rupture des routines quotidiennes ce qui va majorer la désorientation ;
- La perte de la fluidité verbale ;
- La perte des repères dans le temps et dans l’espace ;
- La dépression du sujet âgée. C’est un sujet peu abordé : un sentiment d’inutilité, de tristesse, avec des pleurs… peut envahir le sujet âgé en cas d’isolement.
PPH: De plus en plus des travailleurs décident de ne pas prendre leur retraite : rester en activité permet-il de garder une bonne santé ?
On ne saurait conclure que rester en activité permet de garder une bonne santé. Tout dépend du type de travail que l’on fait.
Si c’est un travail manuel et qui sollicite un effort physique : prolonger le temps de sa retraite risque plutôt de détruire la santé physique. Si c’est un travail intellectuel : cela peut contribuer à stimuler les neurones et freiner leur mort.