A travers cette interview du Dr MBENA spécialiste en Rhumatologie, apprenons-en plus sur la goutte et son mode de survenue.
NB : certaines expressions et termes s’adressent aux professionnels de la santé ; n’hésitez pas de commenter au bas de page et de laisser vos questions
PPH: Qu’est-ce que c’est que la goutte ?
C’est une pathologie caractérisée par des dépôts intra articulaires ou péri articulaires de microcristaux d’urate de sodium.
Il convient de faire la différence entre une crise aigüe de goutte qui est un accès inflammatoire, ponctuel le plus souvent et la goutte chronique qui est la maladie installée.
Donc au cours d’une goutte chronique, on peut faire des poussées aigues (crises aigues) sur ce fond chronique.
PPH: Quelle(s) pourrai(en)t en être la ou les causes ?
La formation des microcristaux d’urate de sodium résulte de la précipitation d’acide urique dans le sang du fait d’une hyperuricémie. Cette hyperuricémie est la conséquence d’un déséquilibre entre des apports (excès d’apport à travers l’alimentation, les médicaments) et élimination (défaut d’élimination au cours de pathologies rénales ou réabsorption importante).
La goutte est donc une maladie de surcharge. Cette cristallisation est réversible, après initiation d’un traitement hypo-uricémiant.
PPH: Quelles peuvent être les manifestations de la goutte ?
- Prodromes (signes annonciateurs) : paresthésies, fièvre, malaise, troubles digestifs, insomnie…
- Signes cliniques :
Le plus souvent, douleur inflammatoire de l’articulation métatarsophalangienne (MTP) du gros orteil ou d’une autre articulation du pied (autres MTP, tarse, cheville) ; Mais peut intéresser n’importe quelle articulation ou être polyarticulaire (le plus souvent) chez la femme ménopausée.
La douleur est pulsatile, lancinante, permanente, augmentée par la mobilisation, avec impotence fonctionnelle majeure (réduction de la mobilité)
- Signes généraux : sont parfois associés fièvre à 38° -38°5, agitation.
PPH: Quelles sont les personnes à risques ou les plus exposées à faire la goutte ?
La goutte est plus fréquente chez :
- l’homme mûr, autour de la quarantaine, bon vivant, souvent en surpoids
- la femme après la ménopause
- l’insuffisant rénal
- au cours des hémopathies
- transplantés d’organe
- personne avec syndrome métabolique (diabète, hypertension artérielle, obésité, dyslipidémie)
- patients traités par: diurétiques de l’anse et thiazidiques, ciclosporine…
- prédisposition génétique (maladie polygénique habituellement, rares mutations dans des gouttes juvéniles)
PPH: Comment pose-t-on le diagnostic de goutte ?
Le diagnostic se fait sur un faisceau d’arguments cliniques et paracliniques :
Clinique :
- l’anamnèse (crises de goutte antérieures, antécédents familiaux de goutte, antécédents de lithiase urique) ; dans un accès goutteux, des facteurs déclenchants sont à rechercher : traumatisme, contexte postopératoire, infarctus ou infection à distance, prise médicamenteuse (mise en route d’un hypo-uricémiant), absorption de certaines boissons ou aliments déclenchant l’accès goutteux chez un goutteux donné ;
- signes cliniques confère plus haut
Paraclinique :
Biologie :
- souvent un syndrome inflammatoire biologique non spécifique (élévation VS, hyperleucocytose à la NFS)
- uricémie : élevée, mais peut être normale voir basse pendant la crise
- analyse du liquide synovial (diagnostic de certitude): liquide inflammatoire, > 10000 GB/mm3 (PNN)(Parfois 50 000 à 100 000)avec des Cristaux d’urate de sodium
Urines de 24h : hyperuraturie
Radiologie : normale au début, à des stades évolués (géodes ou d’encoches épiphysaires, avec conservation prolongée de l’interligne articulaire et ostéophytose marginale)
Echographie : image en double contour (dépôt de cristaux au-dessus du cartilage) ou des tophi (image en tempête de neige)
PPH: Quelles sont les complications possibles de la goutte ?
- Arthropathies (atteintes articulaires) chroniques : douleurs mécaniques chroniques émaillées de crises inflammatoires, particulières par la présence des tophus visibles sous la peau
- Tophus : se localisent autour des articulations atteintes, mais aussi dans des sites électifs (pavillon ou hélix de l’oreille, coudes (bursite olécrânienne), tendons calcanéen et patellaire, articulations interphalangiennes distales ou pulpe des doigts chez les patients sous diurétiques
- Lithiases urique bilatérale et radiotransparente, à l’origine de crises de colique néphrétique chez des sujets hyper excréteurs
- Insuffisance rénale
PPH: Peut-on prévenir la goutte ?
On peut prévenir la survenue de crises de goutte. Ceci par le respect de règles hygiéno-diététiques:
- Régime hypocalorique et hypopurinique, éviter la consommation de :
- boissons sucrées riches en fructose (sodas même « sans sucre »),
- consommation de bières avec ou sans alcool (riches en guanine),
- alcools forts (whisky, cognac, etc.), alimentation trop calorique (excès de boissons alcoolisées en général) et riche en protéines animales
Bonne hydratation.
PPH: Une fois le diagnostic de goutte posé, en quoi consiste la prévention des crises ?
Une fois le diagnostic posé, la meilleure prévention des crises passe par la normalisation de l’uricémie avec une uricémie cible < 360mmol/l
- Règles hygièno-diététiques: confère plus haut
- Prévention des crises par colchicine qui doit toujours être associée (sauf contre-indication) au traitement de fond pendant environ 6 mois (jusqu’à obtention de l’uricémie cible)
- Traitement de fond : baisse de façon durable l’uricémie
- Inhibiteurs de la synthèse de l’acide urique (XO) : Allopurinol (Zyloric*) : 100 –300 mg/j, Febuxostat (Adenuric)
- Uricosuriques: probénicide, benzbromarone
- Uricolytiques: Uricase (Uricozyme*)
PPH: Peut-on guérir de la goutte ?
On peut guérir une crise goutte, mais pas la goutte chronique.
PPH: Vers quel spécialiste le médecin généraliste pourrait orienter un cas de crise de goutte sévère ?
Vers un rhumatologue