La pandémie de COVID-19 a bouleversé les habitudes des patients .es en Afrique. La peur d’être contaminé.e ou d’exposer d’autres personnes à la maladie, pousse les personnes atteintes de maladies chroniques ou ayant besoin de soins médicaux en urgence à ne pas se rendre à l’hôpital. Il faut le dire la rogne gagne du terrain au sein du personnel soignant qui réclame plus d’équipement de protection pour continuer d’assurer la mission qui est la leur. Les spécialistes de la Santé Publique sont de plus en plus inquiets et tirent la sonnette d’alarme quant à une rupture de l’administration de soins essentiels et du suivi de personnes souffrant de maladies chroniques. Quelles solutions s’offrent aux patients.es africains.es qui parfois sont dans le désarroi ?
L’épidémie de COVID-19 survient en Afrique dans un contexte où on note de nombreuses insuffisances des systèmes de santé. Le confinement imposé par l’épidémie vient s’ajouter au nombre insuffisant de médecins et d’infrastructures hospitalières.
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Cameroun compte 1,1 médecin et 7,8 infirmières et sages-femmes pour 10 000 habitants. Cette « pénurie du personnel médical n’est pas uniquement un problème crucial pour le Cameroun, mais un désastre qui touche la plupart des pays africains ».[1] En matière de santé, les pays africains ont des besoins spécifiques et prioritaires : les systèmes d’information en santé dans les hôpitaux, la réduction de la mortalité maternelle et infantile à la naissance, l’amélioration du taux de la vaccination obligatoire des enfants à la naissance afin de prévenir les causes évitables de mortalité infantile d’origine infectieuse. [2] La télémédecine c’est de la médecine pratiquée à distance à l’aide des technologies de l’information et de la communication. Initialement destinée à améliorer l’accès aux soins des populations isolées en Afrique, parfois en grande précarité ; elle gagnera probablement plus de terrain durant la crise sanitaire liée au Coronavirus 2019. A l’instar de ce qui se fait déjà sur d’autres continents, n’est-il pas temps pour les populations africaines de s’approprier les outils et initiatives développés localement ?
Les réseaux sociaux
34% de la population africaine est connectée aux réseaux sociaux. [3] Ce chiffre est encore faible, mais pourrait vite croître aux vues de la situation actuelle. Certains médecins qui ont des pages ou des profils dédiés à leur activité n’hésitent pas de communiquer avec les patient.es par le canal des réseaux sociaux. La possibilité d’échanger avec son médecin via un réseau social permet de répondre à des préoccupations simples telles que le renouvellement d’ordonnance, la prise de rendez-vous, la communication sur les effets secondaires d’un médicament etc.
En Afrique, de nombreux groupes Whatsapp pour professionnels de la santé existent déjà. Au Bénin par exemple où l’on retrouve selon l’Unicef 8,3 professionnel de santé pour 10 000 habitants (moyenne largement supérieure à celle de plusieurs pays), 38 000 enfants meurent chaque année avant l’âge de 5 ans. C’est devant cela qu’en 2017 Soliou Badarou, un spécialiste en santé maternelle et néonatale béninois a lancé un groupe whatsapp « Sauvons nos bébés et mamans » qui compte au moins 200 praticiens. Son idée était simple : il y avait urgence à « mettre en relation les professionnels de santé pour qu’ils échangent et posent un diagnostic sur les cas les plus difficiles, ceux sur lesquels ils ont besoin de l’avis d’un confrère ou d’un spécialiste », explique le médecin. [4] On pourrait imaginer la même initiative avec cette fois-ci patients.es et professionnels mis en contact. L’organisation à but non lucratif SOS Médecins Cameroun propose le service « votre médecin sur whatsapp » ; selon les promoteurs on pourrait discuter en temps réel avec un médecin. Le service spécialisé est disponible au Cameroun 24H/24, 7J/7. Les numéros whatsapp suivants fourniraient une assistance médicale permanente en ligne : 00 (237) 694 65 99 95 ou 00 (237) 676 11 29 27. Le service est payant et coûterait 10 000 FCFA (un peu plus de 15 euros) pour un abonnement annuel.
Facebook domine largement le classement des médias sociaux les plus utilisés en Afrique avec ses 211 millions d’utilisateurs en 2019… [5] Le coût de la communication étant encore élevé dans plusieurs pays d’Afrique, pourquoi ne pas demander à votre médecin s’il est possible de communiquer avec lui via un réseau social ? Cela pourra vous éviter une automédication et vous permettra d’obtenir de précieux conseils en cas d’urgence. Bien que des problèmes de sécurisation des données soient évoqués, les réseaux sociaux constituent bel bien une alternative.
Les plateformes dédiées
Elle tarde encore à être adoptée par une bonne frange des populations africaines même si de nombreuses initiatives ont vu le jour. La plateforme africaine Thea (en anglais That Health again) met en relation patients.es et médecins. En deux ans, plus de 67 000 personnes originaires de 14 pays du continent ont consulté l’application de télémédecine. [1] Uniquement disponible sur androïd pour le moment, elle a une taille de 9 Mo. Son interface possède une vingtaine de menus pour des conseils pratiques, le choix de médecins, les informations sur les pharmacies de garde et même des podcasts, où les médecins apportent des conseils sur diverses affections. Son concepteur Eloi Hermann Monkam Tsokam un médecin camerounais, explique que « les malades peuvent avoir des avis médicaux des professionnels de santé en ligne, lesquels peuvent les orienter vers des médicaments adaptés à leur pathologie. La rubrique-phare de l’application, « Choisissez votre médecin », donne la possibilité au patient de se connecter à un médecin de son choix. 15 médecins généralistes sont disponibles à temps plein sur l’application Thea. [6]
La Tunisie et le Sénégal pour ne citer que ces deux pays sont dotés d’équipes ministérielles dédiées au développement de la e-santé. [7] La télémédecine ne remplacera probablement pas la consultation médicale classique en si peu de temps. Cependant, la pandémie de COVID-19 n’est-elle pas une opportunité pour ces pays comme pour bien d’autres de faire « exister » la e-santé africaine ?
Orienter les patients.es, donner des conseils, apporter une aide psychologique est primordial en cette période de crise sanitaire. Par les temps qui courent, devant toute fièvre, la COVID-19 est systématiquement évoquée. Bien qu’un numéro vert soit aujourd’hui disponible dans chaque pays africain lorsqu’on présente des symptômes de COVID-19, il est important de rappeler que la fièvre est un signe commun à plusieurs maladies infectieuses ; solliciter un avis médical en ligne n’est pas superflu. Dans le but de maintenir un suivi régulier et d’éviter une dégradation de leur état de santé, Il est souhaitable que les personnes souffrant de maladies chroniques telles que l’hypertension artérielle, le diabète ou encore un cancer, adoptent la télémédecine avant de pouvoir obtenir une consultation en présentiel avec leurs médecins traitant.
Listes non exhaustive de sociétés et organismes œuvrant pour la promotion de la télémédecine en Afrique (ces derniers viennent en appui aux nombreuses structures associatives, ONG et startups) :
- La Fondation Pierre Fabre
- Le Réseau Africain Francophone de Télémédecine (RAFT) ;
- La Société Française de Télémédecine (SFT-Antel) ;
- L’Agence Française de Développement. [2]
Conflit d’intérêt : aucun
Références
1- https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/09/11/thea-la-plateforme-africaine-qui-met-en-relation-patients-et-medecins-du-continent_5509284_3212.html
2- http://www.telemedaction.org/434845700
3- http://www.rfi.fr/fr/emission/20190526-atouts-dangers-reseaux-sociaux-afrique
4- https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/12/17/des-groupes-whatsapp-au-benin-pour-aider-a-poser-des-diagnostics-medicaux_6023221_3212.html
5- https://cmdafrique.net/category/donnees/
6- https://www.camerounweb.com/CameroonHomePage/NewsArchive/Une-nouvelle-application-de-t-l-m-decine-au-Cameroun-427866
7- https://www.jeuneafrique.com/439729/economie/e-sante-secteur-prive-tatonne-etats-africains-sen-melent/