PPH : Docteur, qu’appelle-t-on cancers du sang ?
Les hémopathies malignes ou cancers du sang regroupent un ensemble hétérogène de maladies se développant à partir de cellules sanguines et caractérisées par une prolifération anormale des cellules matures (responsables d’hémopathies chroniques d’évolution lente) ou immatures (entraînant les hémopathies aiguës d’évolution rapide), échappant à la régulation normale.
PPH : Y a-t-il des prédispositions familiales ou des facteurs qui favorisent leur survenue ?
Aujourd’hui on sait avec certitude que l’altération de certains gènes au sein des cellules favorise le développement de cancers (sein, ovaire, colorectal, Prostate). En Hématologie, il n’a pas encore été identifié des gènes prédisposant à faire un cancer du sang mais il existe de nombreuses anomalies chromosomiques ou moléculaires qui sont retrouvées chez les patients atteints d’hémopathies malignes.
Il existe cependant plusieurs facteurs des risques identifiés dans la survenue d’hémopathie maligne, notamment :
- Exposition à des toxiques : Pesticides, herbicides, hydrocarbures, gaz d’échappement, tabac, …
- Certains traitements : Chimiothérapie, radiothérapie
- Certaines infections : VIH, Epstein Barr virus, HTLV1, Hépatite C, Helicobacter Pylori
- Maladies dysimmunitaires : Lupus, Polyarthrite rhumatoïde, …
PPH : Vous qui êtes un praticien formé et pratiquant en Afrique, dans quelles circonstances découvre-t-on souvent ces cancers du sang ?
Les circonstances de découverte peuvent être :
- Fortuite : devant des anomalies d’examen biologique (NFS, syndrome inflammatoire biologique, …)
- La présence d’un syndrome tumoral caractérisé par la présence adénopathies (augmentation de la taille des ganglions), une augmentation de la taille de la rate, du foie, des amygdales ou même des testicules.
- Signes d’anémie : importants et d’apparition rapide, en quelques semaines : asthénie, pâleur, dyspnée d’effort, tachycardie.
- Des infections
- Des saignements cutanéo-muqueux
- Des douleurs osseuses
PPH : Existe-t-il des signes d’alerte ou des éléments de forte suspicion de cancers du sang ?
Il n’existe pas de signes spécifiques orientant vers un cancer du sang car ces signes peuvent être retrouvés dans plusieurs autres maladies. Mais ces maladies du sang seront suspectées devant :
- Des signes généraux comme une fatigue durable inexpliquée, des sueurs nocturnes, un amaigrissement important sans régime, une gêne respiratoire, une fièvre modérée persistante ;
- L’existence de ganglions inhabituels ou encore une douleur osseuse résistante aux traitements courants, la survenue d’infections atypiques ou à répétition ou de fractures inexpliquées sont des signes évocateurs pouvant orienter vers des examens complémentaires et un diagnostic.
PPH : Pouvez-vous nous donner brièvement le parcours idéal d’un patient souffrant d’un cancer du sang (de sa découverte à sa mise sous traitement) ?
L’idéal serait que dès l’apparition des premiers symptômes, le patient consulte un médecin généraliste qui en fonction des arguments cliniques et biologiques va l’orienter vers un spécialiste (Hématologue).
L’hématologue clinicien va demander un bilan dans le but de confirmer le diagnostic, stadifier la maladie, rechercher les comorbidités avant de proposer un traitement.
PPH : Selon vous pourquoi les cancers du sang sont-ils de découverte tardive en Afrique ?
Aujourd’hui plusieurs causes sont à l’origine de la découverte tardive d’hémopathie maligne :
- Les moyens financiers limités amènent souvent les patients à consulter tardivement les personnels de santé appropriés et même lorsque la consultation se fait précocement, la réalisation des examens complémentaires retarde le diagnostic précoce de ces maladies.
- La méconnaissance de certaines hémopathies malignes par le personnel médical contribue à l’errance diagnostic.
PPH : Quel pourrait être l’apport des programmes nationaux de lutte contre les cancers face à cette situation ?
- Sensibilisation des populations à se faire consulter dans des formations sanitaires
- Encourager la formation continue des personnels de santé au diagnostic des hémopathies malignes
- Un plaidoyer pour l’instauration d’un programme de subvention des examens complémentaires biologique ou radiologique au cours de la prise en charge d’hémopathie maligne et pourquoi pas des médicaments de chimiothérapie
PPH : Aujourd’hui qu’est-ce qui pourrait expliquer que le coût des traitements anticancéreux reste toujours très élevé en Afrique ?
Le coût élevé des médicaments anticancéreux en Afrique pourrait s’expliquer :
- D’une part par le fait que contrairement aux pays développés, la plupart des pays africains ne disposent pas d’un système de sécurité sociale donc les patients payent généralement les médicaments eux-mêmes.
- D’autre part par l’avènement des thérapeutiques ciblées (Thérapeutiques ciblées, immunothérapie) qui ont pour objectif de proposer au patient un traitement adapté aux anomalies de leur tumeur. Ces médicaments sont très couteux même dans les pays développés.
PPH : Qu’est-ce qu’un hématologue et quand est-il sollicité dans un hôpital ?
Un hématologue est un médecin spécialisé dans la prise en charge des maladies du sang et des organes hématopoïétiques (la moelle osseuse, les ganglions lymphatiques et la rate étant les principaux).
Il traite principalement les affections des globules rouges (anémies, en déficit ; polyglobulie, en excès), des globules blancs (leucopénie, en déficit ; leucémies, en excès), des plaquettes (thrombopénie, thrombocytose, hémophilie…), de la lymphe (lymphomes, myélome multiple ou cancers du système lymphatique) ou encore la baisse de production des cellules sanguines dans les os (aplasie médullaire).
PPH : Selon vous qu’est-ce qui pourrait expliquer l’insuffisance des ressources humaines dans la prise en charge des cancers du sang ?
L’insuffisance des ressources humaines pourrait s’expliquer par le fait que la formation en hématologie clinique n’est pas disponible dans beaucoup de pays africains. En Afrique francophone, il faut aller au Congo, en Côte d’ivoire, au Sénégal, au Maroc, …
Par ailleurs, les hémopathies sont des maladies souvent jugées « rares ». Si bien que beaucoup de médecins ne sont pas motivés pour faire une spécialisation en hématologie clinique. D’autres médecins pensent que les hémopathies malignes sont toutes des maladies fatales.