Où est-ce que le paludisme sévit le plus ? Quel est le traitement actuel du paludisme recommandé par l’OMS ? Qu’est-ce qui opposent OMS et grands groupes pharmaceutiques d’une part et chercheurs africains d’autre part ? Quelles leçons pour les africains ?
Voici quelques notions importantes avant de se lancer dans le vif du sujet
Le Plasmodium falciparum
C’est le nom du germe qui cause le paludisme, on parle de « parasite du genre plasmodium ».
En plus du plasmodium, il existe 4 autres espèces dont nous ne parlerons pas car P. falciparum est le plus dangereux.
Le vecteur du paludisme
Les vecteurs du paludisme se sont des moustiques femelles infectées de l’espèce Anopheles qui piquent entre le coucher et le lever du soleil. [1]
Bien sûr en zone d’endémie palustre, on se fait piquer à tout moment…Tout dépend de l’environnement.
Le TDR
C’est le test de diagnostic rapide, c’est un examen qui permet la confirmation du diagnostic de paludisme.
Une goutte de votre sang suffit pour réaliser cet examen. En Afrique, Il est réalisé en première intention par rapport à l’examen microscopique.
Les CTA
Ce sont les combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine. Ce sont des médicaments pour traiter le paludisme non compliqué. Ils associent 2 principes actifs qui ont des modes d’action différents (exemple : Arthémeter + Luméfantrine). Il existe 5 types de CTA.
D’innombrables spécialités de CTA sont disponibles sur le continent, nous en parlerons plus loin.
Le partenariat RBM pour en finir avec le paludisme (ancien « Roll Back Malaria »)
Il s’agit de la plus grande plateforme multi-acteurs de lutte contre le paludisme. Il regroupe plus de 500 partenaires, allant de groupes de professionnels de santé communautaires et de chercheurs mettant au point de nouveaux outils, à des pays touchés par le paludisme et à des pays donateurs, en passant par des entreprises privées et des organisations internationales. [2]
Cet organisme qui collabore avec l’OMS, coordonne toutes les actions mondiales contre le paludisme.
Le 25 Avril de chaque année
C’est la date de la journée mondiale de lutte contre le paludisme. En cette année 2019, le slogan de la campagne est « Zéro Palu ! Je m’engage »
Où est-ce que le paludisme sévit le plus ?
Selon le dernier rapport de l’OMS sur le paludisme dans le monde, aucun progrès significatif n’a été accompli en matière de réduction des cas de paludisme entre 2015 et 2017.
La région africaine de l’OMS supporte une part disproportionnée de la charge mondiale du paludisme. En 2017, 92% des cas de paludisme et 93% des décès dus à cette maladie sont survenus dans cette région. [3]
47% du nombre total de cas sont situés dans 4 pays du continent : le Nigéria (25%), la République démocratique du Congo (11%), le Mozambique (5%) et l’Ouganda (4%). [4]
Quel est le traitement actuel du paludisme recommandé par l’OMS ?
Les CTA sont les antipaludiques les plus efficaces dont on dispose aujourd’hui. Ils constituent le pilier du traitement du paludisme non compliqué à P. falciparum. Dans les zones à faible transmission, une dose unique de primaquine devrait être ajoutée au traitement antipaludique afin de réduire la transmission de l’infection.
Le paludisme grave doit être traité avec de l’artésunate injectable (par voie intramusculaire ou intraveineuse) pendant au moins 24H, suivie d’une CTA complète de 3 jours, une fois que le patient peut tolérer des médicaments par voie orale. Lorsque le traitement injectable ne peut être administré, les enfants âgés de moins de 6 ans atteints de paludisme grave doivent recevoir un traitement d’artesunate par voie rectale avant d’être orientés immédiatement vers un centre pouvant leur dispenser un traitement par voie injectable complet. [5]
Depuis le 23 Avril 2019, un test à grande échelle du « Mosquirix », le vaccin contre le paludisme a été lancé au Malawi. Le Ghana et le Kenya sont les deux autres pays pilotes du programme de l’OMS. [6]
Qu’est-ce qui opposent OMS et grands groupes pharmaceutiques d’une part et les chercheurs africains d’autre part ?
Tout d’abord, il est important de rappeler que depuis la fin 2016, 80 pays ont adopté les CTA comme traitement de première intention. Le nombre de CTA en traitement complet achetées auprès des fabricants est passé de 311 millions en 2015 à 409 millions en 2016. Selon les rapports plus de 69% de ces achats ont été effectués pour le secteur public. 99% des CTA distribuées l’ont été dans la région Afrique de l’OMS.
On peut comprendre les enjeux économiques par rapport aux CTA en Afrique…
Selon l’OMS l’artémisinine et ses dérivés ne doivent pas être utilisés en monothérapie orale car cela favorise l’apparition d’une résistance à l’artémisinine. En d’autres termes, l’artémisinine seul ou un de ses dérivés pris seul, favorise l’apparition de résistance. (Voir sur notre site l’article « Dans nos hôpitaux le nouveau tueur a un nom : l’antibiorésistance »)
De nombreux chercheurs africains ne partagent pas le point de vue de l’OMS.
En 2017, un scandale est révélé dans le documentaire « Malaria Business » réalisé par Bernard Crutzen, alors invité du journal Afrique de TV5MONDE. L’artémésia, plante utilisée par la médecine traditionnelle chinoise depuis deux millénaires, serait un remède naturel, et bon marché, contre le paludisme : c’est ce que de nombreuses études internationales et notamment africaines s’accordent à dire, contrairement à l’OMS qui continue de la déconseiller, invoquant le principe de précaution. Mais ne serait-ce pas plutôt pour protéger le business des firmes pharmaceutiques ? [7] Dans ce documentaire, le Docteur Jérome Munyangui affirme qu’une étude sur 1000 patients avait prouvé que les tisanes d’artémésia étaient plus efficaces que les médicaments conventionnels contre le paludisme (ACT) recommandés par l’OMS.
« C’est là que les ennuis commencent avec la médecine conventionnelle, a-t-il dit. Les patients n’achètent plus les ACT. Nous devenons de plus en plus gênants. »
Docteur Jérome Munyangui chercheur âgé de 35 ans, serait réfugié en France, s’estimant inquiété pour ses travaux. Arrêté à deux reprises, fouetté et frappé par ses gardiens …Son avocat déclare : « il n’est pas en sécurité en République démocratique du Congo. » [10]
Le débat est ouvert. L’artémésia, dont la culture est très répandue de nos jours sur le continent représente un marché lucratif. La tisane obtenue après séchage de la plante, est très appréciée et consommée en dehors de la maladie. Cette résistance tant craint par l’OMS ne frappe-t-elle pas déjà à notre porte ?
Quelles leçons pour les africains ?
L’un des principes de la médecine est de s’attaquer à l’origine d’une maladie lorsqu’on veut la vaincre. Cela semble évident ; appliquons-nous ce principe lorsqu’on parle de lutte contre le paludisme en Afrique ?
La lutte antivectorielle est le principal moyen de prévenir et de réduire la transmission du paludisme. Si la couverture par les interventions de lutte antivectorielle est suffisamment élevée dans une région donnée, l’ensemble de la communauté sera protégé. L’OMS recommande d’assurer une lutte antivectorielle efficace pour protéger toutes les populations exposées au risque de contracter le paludisme. Deux formes de lutte antivectorielle sont efficaces dans beaucoup de situations : les moustiquaires imprégnées d’insecticide et la pulvérisation d’insecticides à effet rémanent à l’intérieur des habitations. [8] En 2018 l’OMS a déclaré le Paraguay exempt de paludisme.
Selon un article publié dans « Figaro santé », pour arriver à ce résultat, il a fallu une prise en charge rapide des cas, mais aussi et surtout une lutte antivectorielle efficace associée entre autres à un accent sur l’éducation de la population. Le constat est que dans la plupart des pays sur le continent, peu de moyens sont investis dans la lutte antivectorielle et l’éducation des populations. [9]
Les Anopheles pondent leurs œufs dans l’eau. Ces œufs éclosent en larves puis deviennent des moustiques adultes. Dans plusieurs régions les pics de transmission sont pendant ou juste après les saisons de pluies. Des citoyens avertis, peuvent en éliminant systématiquement tout réservoir d’eau stagnante autour de leurs habitats réduire la multiplication du vecteur qui a besoin d’eau…
Le partenariat RBM pour en finir avec le paludisme a-t-il une action orientée prévention du paludisme ou plutôt traitement ? Chaque pays africain devrait pouvoir répondre à cette question et prendre son destin en main dans la lutte contre ce fléau.
« Le succès du Paraguay montre que cela est possibe. Si le paludisme peut être éliminé dans un pays, il peut l’être dans le monde entier » Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus directeur général de l’OMS.
CONFLIT D’INTERET : Aucun
REFERENCES
[1] https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/malaria
[2] https://endmalaria.org/fr/%C3%A0-propos-de-nous
[3] https://www.who.int/fr/campaigns/world-malaria-day/world-malaria-day-2019
[4] https://www.jeuneafrique.com/668205/societe/paludisme-en-afrique-les-chiffres-cles-du-rapport-de-loms/
[5] https://www.who.int/malaria/areas/treatment/overview/fr/
[6] https://primepublichealth.com/tests-a-grande-echelle-de-mosquirix-le-vaccin-contre-le-paludisme/
[7] https://information.tv5monde.com/video/il-y-un-une-plante-pour-vaincre-le-paludisme-le-memo
[8] https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/malaria
[9] http://sante.lefigaro.fr/article/le-paraguay-a-reussi-a-eradiquer-le-paludisme/
[10] https://www.lemonde.fr/afrique/article/2019/07/08/paludisme-un-chercheur-congolais-se-refugie-en-france-s-estimant-inquiete-pour-ses-travaux_5486788_3212.html