Les thérapies par les produits naturels à base de plantes médicinales sont très répandues en Afrique. Pourquoi un regain soudain de l’usage de ces thérapies qui semblent avoir de beaux jours devant elles ? Aujourd’hui, aucune catégorie de citoyens africain n’y échappe, tant le marché est en progression. L’approche marketing des fournisseurs est de mieux en mieux élaborée. L’absence de réglementation et le silence des autorités sanitaires laissent le champ libre à tout type de discours. Entre prévention, thérapies et placebos, difficile de se retrouver. Quelle attitude adopter devant ce foisonnement de produits naturels à base de plantes médicinales ?
Pourquoi ne peut-on pas prendre systématiquement des produits à base de plantes médicinales même s’ils sont naturels ?
La question parait complexe et pourtant, la réponse est toute simple. Bien qu’étant naturels ces produits demeurent des médicaments. Tout médicament possède des effets secondaires qui peuvent survenir en fonction de l’âge de l’individu qui le prend, la posologie, la dose et même la présence ou non d’une maladie tout autre dont souffre déjà la personne.
Ceci pose le problème d’études scientifiques validées et publiées concernant les médicaments naturels en Afrique. C’est à partir de nombreux tests en laboratoire, sur les animaux puis sur l’Homme que peuvent être mis à dispositions des soignants et des patients des précautions d’emploi concernant ces produits. Nous y reviendrons plus loin.
A quoi expose une consommation systématique ou abusive des produits naturels à base de plantes médicinales ?
Les thérapies des médecines alternatives complémentaires (MAC) dites « médecines traditionnelles » prescrites par les tradi thérapeutes ou tradi praticiens ne tiennent pas toujours compte de l’état physiologique des personnes. Bien qu’on assiste à une professionnalisation massive du secteur, les prescriptions s’appuient encore en majorité sur les plaintes des patients et parfois sur le vécu du prescripteur. Certaines substances ont un métabolisme hépatique ou rénal, ce qui signifie que, une fois utilisées par notre organisme les déchets résultant sont éliminés par le foie ou les reins.
Les personnes porteuses ou souffrant de l’une des maladies suivantes peuvent aggraver leur état de santé en consommant de manière abusive certaines plantes médicinales : insuffisance rénale (diabète évolué, hypertension artérielle et troubles urinaires compliqués), cirrhose hépatique (d’origine virale ou alcoolique), hépatite médicamenteuse.
Ne dit-on pas que tout Homme bien portant est un malade qui s’ignore ? Ceci donne à réfléchir sur la surconsommation des plantes médicinales que l’on observe aujourd’hui, basée sur le simple fait que « c’est du naturel ». Nous ne rentrerons pas dans les débats sur le charlatanisme et la désinformation qui sont monnaies courantes.
Pourquoi un regain de l’usage des thérapies à base de plantes médicinales en Afrique ?
Selon l’OMS, c’est depuis 1990 que la médecine traditionnelle a fait une apparition remarquée dans de nombreux pays développés et en développement. [1] Peut-être devrait-on dire « est réapparue… »
On peut évoquer une prise de conscience des africains, qui « redécouvrent » l’immensité du potentiel qu’ils possèdent et qui se trouve dans la nature qui les entoure. En effet la médecine « traditionnelle » comme on l’appelle, par opposition à la médecine conventionnelle dite « moderne » n’est pas récente en Afrique. Transmise autrefois de génération en génération, elle a subi au fil des temps, une dégradation de son image sous couvert d’une « modernisation » tout azimut de la culture, de la pensée et même de la religion. C’est donc « un virage à 180° » que l’on observe aujourd’hui. Le 26 septembre 2007, au siège de Santé & Nature, une organisation non gouvernementale spécialisée dans la promotion des plantes et autres produits naturels qui soignent, a eu lieu une cérémonie de remise d’équipements et matériels agricoles, par la Banque de Développement des Etats de l’Afrique Centrale, à 17 groupements de maraîchers producteurs de feuilles de Moringa au Congo. [2] La médecine à base des plantes se professionnalise ; le conditionnement des produits, l’aspect marketing (communication sur les réseaux sociaux), la délégation médicale (installation de nombreuses firmes pharmaceutiques internationales) lui donnent une tout autre image. A côté du réveil des scientifiques africains, l’échec des systèmes de santé n’est pas étranger au « phénomène ». L’arrivée des faux médicaments importés sur les marchés africains (dans les pays à revenu faible ou intermédiaire, un produit médical sur 10 serait falsifié), la formation des soignants qui n’a pas suivi l’évolution de la société, l’absence de réglementation établie par les autorités sanitaires, sont favorables à la progression des ventes de ces produits. A tout cela s’ajoute les nombreux scandales autour des médicaments, les débats sur les médecines alternatives dans les pays développés. En France par exemple, environ 20% des patients atteints de cancer optent pour les médecines douces… [3,4]
Cela conforte les populations africaines sur la nécessité de se tourner vers leur médecine ancestrale.
Quelle attitude adopter devant le foisonnement sur le marché de produits à base de plantes médicinales ?
Rappelons tout d’abord que l’état physiologique de l’organisme varie d’un individu à l’autre. Les prédispositions génétiques (famille de diabétiques ou d’hypertendus par exemple) associées à l’environnement et les habitudes nutritionnelles (alimentation trop riche en matière grasse, trop sucrée ou trop salée, tabagisme, alcoolisme) confèrent à chaque individu une particularité. C’est cette particularité qui fait que « ce qui est bon pour X n’est pas forcément bon pour Y ».
Sans remettre en doute l’innocuité de certains produits naturels à base de plantes médicinales, Il semble bien plus aisé et plus sûr d’agir sur nos habitudes alimentaires et notre mode de vie pour rester en bonne santé. Les produits pharmaceutiques – notamment les médicaments – sont un élément fondamental tant de la médecine moderne que de la médecine traditionnelle. Ces produits doivent absolument être sûrs, efficaces, de bonnes qualité, et être prescrits et utilisés de manière rationnelle. [5] L’usage à bon escient de ces produits est un défi majeur.
Les attitudes suivantes améliorent notre état de santé ou notre qualité de vie :
- La pratique régulière d’une activité physique (faire le ménage, faire le marché, laver son véhicule ou encore aller puiser de l’eau permet de lutter contre la sédentarité),
- Une consommation modérée d’alcool (réduit le risque de maladies cardiovasculaires),
- Eviter le tabagisme et le tabagisme passif (réduit les risques de maladies respiratoires et de cancer du poumon),
- Réduire sa consommation de sel et de sucre (éviter autant que possible les aliments industriels ou surtransformés),
- Boire suffisamment d’eau au cours de la journée.
Faire un bilan de santé annuel, prescrit par un professionnel de santé, lorsque cela est possible, permet de dépister de manière précoce les maladies (prise de tension artérielle, glycémie à jeûne, palpation ou auto palpation des seins et mammographie, toucher rectal, frottis vaginal etc.).
La prévention des maladies chroniques non transmissibles passe par un changement des comportements, des habitudes et mode de vie des populations africaines. Une bonne hygiène de vie diminue les risques de maladies. A-t-on absolument besoin de médicaments pour réguler les fonctions vitales de l’organisme qui le fait déjà bien tout seul ?
Conflit d’intérêt : aucun
Références
[1] https://www.who.int/topics/traditional_medicine/fr/
[2] https://www.who.int/countries/cog/news/plantes_medicinales_sept07/fr/
[3] https://www.la-croix.com/Sciences-et-ethique/Sante/Le-deremboursement-lhomeopathie-pose-question-autres-medecines-alternatives-2019-07-10-1201034599
[4] http://www.medecine-alternative.fr/etendue-de-la-medecine-alternative-en-france/ [5] https://www.who.int/topics/pharmaceutical_products/fr/