PPH: Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs. trices et nous dire ce qu’est la malnutrition ?
Je m’appelle AYININ Sanni, Représentant de la jeunesse Béninoise au Programme de « African Youth Union Enjoy » auprès de l’Union Africaine (2020-2022).
je suis un Administrateur des Projets de Développement dans les domaines de la Santé Publique (Master), des Droits de l’Homme (Master) et de la gouvernance locale (Master). Je suis actuellement le Consultant National chargé du renforcement de capacité des acteurs de la réponse COVID, du suivi et de la Coordination des interventions de l’UNICEF au Bénin. J’ai travaillé pendant plus de 10 ans dans plusieurs projets de Nutrition et du développement de la petite enfance au Bénin. (Projets financés par la Banque Mondiale, l’Union Européenne etc.)
NB. Cette intervention n’engage que moi et non l’UNICEF. La Malnutrition est la manifestation d’un déséquilibre entre les apports alimentaires et les besoins nutritionnels. Autrement dit Lorsqu’un enfant est malnutri, cela signifie que son alimentation est insuffisante, mal équilibrée et que son organisme ne reçoit pas suffisamment d’éléments nutritifs tels que les protéines, les vitamines et les minéraux.
PPH: Quels sont les types de malnutrition et laquelle rencontrez-vous le plus souvent chez les enfants en Afrique ?
La malnutrition est caractérisée par deux grandes formes : la malnutrition par carence et la malnutrition par excès. La forme la plus rencontrée chez les enfants en Afrique est la malnutrition par carence.
Lorsqu’on prend la malnutrition par carence, on y distingue 3 grandes types :
- La malnutrition chronique qui se définit comme un retard du développement de l’enfant, notamment un retard de croissance en taille. L’enfant présente alors un aspect rabougri. La malnutrition chronique est due à des carences nutritionnelles persistantes dans le temps.
- La malnutrition aiguë représente le moment où le corps commence à consommer ses propres tissus pour y trouver de l’énergie et des composants nutritionnels nécessaires à sa survie, faisant alors fondre les muscles et les réserves de gras. Les termes de sévères et modérés sont employés pour décrire le degré de sévérité de la malnutrition, les deux stades constituant une urgence médicale et nécessitant une prise en charge rapide et efficace.
- les carences en micronutriments
Quelque soit le type de la malnutrition, elle peut être sévère ou modérée. Lorsqu’elle est sévère, elle peut être avec ou sans complication. Mais Attention : Qu’une malnutrition aigüe sévère soit avec ou sans complication, elle doit être considérée comme une urgence médicale.
PPH: Comment pose-t-on le diagnostic de malnutrition chez l’enfant ?
L’âge, la taille, le poids et le périmètre brachial sont des variables qui, mises ensemble, permettent de poser le diagnostic de la malnutrition chez l’enfant. Lorsque deux de ces variables sont utilisées ensemble, elles sont appelées un indice. Le Périmètre brachial et Trois indices sont utilisés couramment pour évaluer l’état nutritionnel des enfants.
- Poids-pour-âge ;
- Taille-pour-âge ;
- Poids-pour- taille.
Ainsi donc, le diagnostic de la malnutrition se pose à partir de ce qui suit :
- Prendre les mesures anthropométriques : Poids, taille, périmètre brachial ;
- Déterminer l’indice de masse corporelle ;
- Tracer les différentes courbes de croissance.
Les critères de décision pour l’appréciation de l’état nutritionnel à partir de ces indicateurs sont :
- Périmètre brachial
- Présence des œdèmes bilatéraux: Malnutrition aiguë sévère
- Périmètre brachial inférieur à 115 millimètres (mm): Malnutrition aiguë sévère
- Périmètre brachial compris entre 115 et 125 mm : Malnutrition aiguë modérée
- Périmètre brachial supérieur à 125 mm : Bon état nutritionnel
- P/A
- Valeurs normales : entre – 2 ET et + 2 ET ;
- Valeur comprise entre – 3ET et – 2 ET : insuffisance pondérale modérée ;
- Valeur inférieure à – 3 ET : insuffisance pondérale sévère ;
- T/A
- Valeurs normales : entre – 2 ET et + 2 ET ;
- Valeur comprise entre -3ET et – 2 ET : retard de croissance modéré ;
- Valeur inférieure à – 3 ET : retard de croissance sévère.
- P/T
- Valeurs normales : entre – 2 ET et + 1 ET ;
- Valeur supérieure à 3 ET : Obésité ;
- Valeur supérieure à 2 ET : Surpoids ;
- Valeur supérieure à 1 ET : Risque de surpoids ;
- Valeur comprise entre -3 et – 2ET : Malnutrition aigüe modérée ;
- Valeur inférieure à – 3ET : Malnutrition aigüe sévère
PPH: Quelles sont les facteurs favorisant la malnutrition chez les enfants en Afrique ?
Il existe de nombreux facteurs qui font qu’un enfant devient malnutri. Les facteurs ou les causes varient d’un individu à l’autre, mais on peut les diviser en trois catégories: les facteurs immédiats, les facteurs sous-jacents et les facteurs fondamentaux.
- Les causes immédiates : le régime alimentaire médiocre et la maladie constituent les causes immédiates de la malnutrition en Afrique
Un régime alimentaire médiocre peut être dû à :
- un lait maternel insuffisant ;
- de trop maigres repas ;
- des aliments peu variés ;
- de faibles concentrations d’énergie et de nutriments dans les repas (par exemple quand la nourriture est trop aqueuse) ;
- des repas peu fréquents.
En cas de maladie, il arrive que les personnes :
- ne mangent pas beaucoup ;
- absorbent peu de nutriments ;
- perdent des nutriments à partir de l’organisme ;
- épuisent les nutriments de l’organisme plus rapidement (par exemple en cas de fièvre).
2. Causes sous-jacentes :
Parmi les causes sous-jacentes de la malnutrition en Afrique, figurent les pénuries de vivres dans la famille, des soins et des habitudes alimentaires inadaptés, notamment en ce qui concerne les enfants et les femmes, de mauvaises conditions de vie et des services de santé médiocres.
3. Les Causes fondamentales :
Les causes les plus profondes de la malnutrition en Afrique sont les suivantes :
- pauvreté généralisée et manque de possibilités d’emploi ;
- répartition et contrôle inégaux des ressources au niveau de la communauté, de la commune ou du pays, ou sur le plan international ;
- faibles position sociale et niveau d’éducation des femmes ;
- pression démographique ;
- détérioration du milieu naturel ;
- instabilité et conflits politiques ;
- manque de services de santé, d’éducation et d’autres services sociaux ;
- discrimination.
PPH: Quelles peuvent être les conséquences de la malnutrition chez l’enfant ?
Les enfants qui ont un régime alimentaire médiocre et qui ne consomment pas la juste quantité d’aliments énergétiques ou de nutriments sont souvent malades et commencent à souffrir de malnutrition.
Le type de malnutrition qui se produit varie selon le genre de nutriments et la quantité d’énergie alimentaire qui sont insuffisants (ou trop abondants), la durée de cette insuffisance et l’âge de la personne.
- Il arrive que des enfants mangent trop peu et deviennent malnutris parce qu’ils n’ont pas assez de nourriture ou qu’ils ont peu d’appétit. Ils manquent de calories et de nombreux nutriments, ce qui a plusieurs conséquences.
- Ils ont moins d’énergie et ne peuvent donc pas jouer, étudier ou travailler normalement.
- Leur système immunitaire est faible ; ils tombent facilement malades et/ou sont gravement malades.
- Les enfants arrêtent de grandir et peuvent perdre du poids. Quand un enfant consomme très peu de nourriture (souvent à cause d’une infection), il peut développer une malnutrition aiguë.
- Certaines enfants peuvent avoir un régime alimentaire déséquilibré, qui fournit trop peu d’un nutriment particulier. En voici quelques exemples.
- Les carences en iode peuvent entraîner de graves troubles mentaux ou physiques chez un enfant (troubles du langage, surdité, crétinisme). Elles sont la première cause évitable d’arriération mentale dans le monde. Les effets les plus néfastes se produisent sur le cerveau du fœtus et des enfants en bas âge, elles accroissent aussi le risque de mortalité infantile et les fausses couches.
- Les carences en fer peuvent causer des cas d’anémie mortelle. Selon l’OMS, 4 à5 milliards de personnes en sont atteintes soient 40 et 50 % des enfants de moins de 5 ans des pays en développement manquent de fer et dont l’Afrique.
- Les carences en vitamine A peuvent entraîner la cécité ou l’affaiblissement du système immunitaire. Plus de 100 millions d’enfants en souffrent et ne peuvent pas être protégés de maladies comme la rougeole, la diarrhée ou les infections respiratoires (OMS).
PPH: Après 6 mois d’allaitement maternel exclusif, comment bien alimenter son enfant ?
Après 6 mois d’allaitement maternel exclusif, les besoins nutritionnels du nourrisson deviennent très spécifiques car il est important de faire une complémentation alimentaire adaptée jusqu’à l’âge de 2 ans de l’enfant, dans le cadre d’une alimentation diversifiée.
Pendant cette période de transition où commence l’alimentation complémentaire, le nourrisson est particulièrement vulnérable. Pour que ses besoins nutritionnels soient satisfaits, il faut donc que les aliments complémentaires soient :
i) apportés au bon moment, c’est-à-dire introduits quand les besoins en énergie et en éléments nutritifs ne sont plus totalement couverts par le lait maternel ;
ii) adéquats, c’est-à-dire qu’ils apportent l’énergie, les protéines et les micronutriments suffisants pour satisfaire les besoins nutritionnels liés à la croissance de l’enfant ;
iii) sûrs, c’est à dire préparés et conservés dans de bonnes conditions d’hygiène et donnés avec des mains propres dans des ustensiles propres, et non au moyen de biberons et de tétines ;
iv) correctement administrés, c’est-à-dire donnés en suivant les signes d’appétit et de satiété émis par enfant, la fréquence des repas et la méthode utilisée pour alimenter l’enfant étant adaptées à son âge.
- Aliments riches en énergies et aliments de base : Aliments fournisseurs d’énergie au corps ;
- Aliments riches en protéines : Aliments constructeurs qui aident au développement des muscles et des os ;
- Aliments riches en vitamines et en minéraux : aliments protecteurs qui aident le corps à se protéger contre les maladies ;
Les considérations fondamentales de l’aliment de complément se résument à travers le sigle AFQTVAH
A : Age du Nourrisson /Jeune enfant
F : Fréquence des repas
Q : Quantité d’Aliments
T : Texture (épaisseur/consistance)
V : Variété des aliments
A : Alimentation Active ou adaptée aux besoins
H : Hygiène
PPH: Quelle tranche d’âge chez les enfants est la plus vulnérable face à la malnutrition ?
Les « 1000 premiers jours de la vie » d’un être humain, de sa conception à son deuxième anniversaire, déterminent de façon spectaculaire le reste de la vie d’un enfant.
Les caractéristiques des 1000 premiers jours de la vie se décomposent en trois tranches d’âges comme suit :
- de -9 mois à 0 mois (de la conception à l’accouchement du bébé), l’alimentation du fœtus est totalement dépendante de celle de la mère. Une femme enceinte qui ne s’alimente pas convenablement livre assurément l’enfant qu’elle porte à toutes les formes de malnutrition auxquelles elle est exposée à savoir, carence protéino-énergétique, carence en micronutriments.
- de 0 mois à 6 mois, le bébé bien nourri au lait maternel, présente généralement une croissance normale si la mère ne développe aucune affection pathologique grave. L’allaitement présente aussi comme avantage de favoriser la relation mère-enfant (environnement social) et d’exposer l’enfant aux goûts du lait maternel (empreinte sensorielle).
- de 6 mois à 24 mois, comme les besoins nutritionnels du nourrisson sont très spécifiques, après l’allaitement exclusif jusqu’à 6 mois, il est important de faire une complémentation alimentaire adaptée jusqu’à l’âge de 2 ans de l’enfant, dans le cadre d’une alimentation diversifiée.
Les conséquences de la mauvaise alimentation durant les 1000 premiers jours de la vie sont :
- Les carences nutritionnelles subies par un enfant au cours des deux premières années de sa vie sont une menace pour le développement de son cerveau. Elles peuvent réduire ses capacités d’apprentissage, augmentant le risque d’échec scolaire et impactant, à terme, son niveau de vie.
- Le retard de croissance, conséquence de la malnutrition chronique, est bien plus qu’un problème d’enfants trop petits pour leur âge. Il leur fait aussi courir le risque d’une vie fragilisée, rendue plus vulnérable face à la maladie, à la pauvreté et à l’injustice. La prévalence globale de l´insuffisance pondérale traduit une situation médiocre de malnutrition selon les références de l’OMS.
- La malnutrition chronique au cours des 2 premières années de la vie (les 1000 jours) conduit à une faible productivité économique et des gains réduits à l’âge adulte. La malnutrition chronique chez l’enfant est un indicateur important du capital humain.
PPH: Selon des idées reçues les enfants en surpoids sont considérés comme bien nourris, qu’en pensez-vous ?
Non. Sur le plan scientifique, ce n’est pas totalement vrai.
Le surpoids est défini selon l’OMS comme l’excès de masse grasse au niveau du corps. Le surpoids se définit à partir de l’indice de masse corporelle (IMC) qui est égal au rapport Poids (Kg)/Taille² (m²).L’IMC chez l’enfant varie en fonction du sexe et de l’âge. En effet, l’IMC augmente de la naissance à un an, puis diminue jusqu’à l’âge de 6 ans pour remonter (rebond d’adiposité) jusqu’à l’âge adulte. Ces variations physiologiques sont bien visibles sur les courbes d’IMC représentées en centile en fonction de l’âge (de 0 à 19 ans) et du sexe (une courbe pour chaque sexe).
Il existe une différence entre l’obésité et le surpoids. On parle d’obésité lorsque l’IMC est supérieur ou égal à la courbe qui passe par le 97ème percentile ou un Z score > +2écart-type. On parle du surpoids lorsque l’IMC correspond à la courbe qui passe par le 85ème percentile ou un z score compris entre +1 et +2 écart-type.
PPH: Qu’est-ce qui pourrait être à l’origine du surpoids chef l’enfant ?
Dans la très grande majorité des cas, l’obésité ou le surpoids est dite commune, résultant de l’interaction de gènes de susceptibilité avec un environnement à risque.
- Les principales causes de l’augmentation de l’obésité infantile ou du surpoids chez l’enfant se trouvent dans un changement de régime alimentaire avec une consommation accrue d’aliments énergétiques riches en graisses et en sucres mais pauvres en vitamines, minéraux et autres micronutriments sains, et une tendance à la diminution de l’activité physique.
Cependant, on doit rechercher des arguments en faveur d’une cause secondaire d’obésité ou de surpoids (endocrinienne ou syndromique) devant un ralentissement ou l’absence d’accélération de la croissance, en général contemporaine de l’installation de l’obésité.
Les facteurs de risque d’obésité infantile et de surpoids sont d’ordre génétique, comportemental et environnemental. Leur connaissance permet un dépistage précoce et la prévention.
PPH: Malnutrition et famine l’amalgame est fréquente, pouvez-vous faire un éclaircissement ?
Quand on parle de malnutrition, il faut retenir deux notions fondamentales : La Sous-nutrition et la surnutrition.
- La Sous-nutrition est le résultat d’apports alimentaires insuffisants par rapport aux besoins en
Nutriments (malnutrition par carence)
- La Surnutrition est résultat d’apports alimentaires excessifs par rapport aux besoins en
Nutriments (la malnutrition par excès)
Par contre, la famine est la forme violente de la faim qui est une sous- alimentation chronique. La Sous-alimentation étant un apport alimentaire insuffisant pour satisfaire les besoins énergétiques alimentaires.
Autrement dit, La malnutrition n’est pas que la famine, mais aussi les mauvaises conditions d’utilisation physiologique des nutriments. On peut ne pas être en situation de famine et être malnutrie.